Bulla Regia est un site archéologique situé dans le
nord-ouest de la Tunisie, plus précisément au lieu-dit anciennement dénommé
Hammam-Derradji — ce toponyme fixé par l'archéologue, diplomate et membre de
l'Institut de France, Charles-Joseph Tissot, n'étant plus usité depuis Gilbert
Charles-Picard1 — à 5 kilomètres au nord de Jendouba.
Autrefois placé sur la
route reliant Carthage à Hippone (actuelle Annaba), le site a fait l'objet de
recherches archéologiques partielles, qui ont cependant permis de mettre en
évidence l'ancienneté de l'occupation et de mettre au jour un élément
caractéristique de l'architecture domestique à l'époque romaine : la
construction d'un étage souterrain reprenant le plan des maisons, particularité
posant un problème en raison de l'absence d'utilisation de plans similaires
dans d'autres régions chaudes de l'Empire romain.
Cité
aux origines anciennes :
Les origines berbères
de Bulla Regia sont probablement antérieures à sa culture punique. De nombreux
témoignages d'une occupation très ancienne parsèment le site : nécropole
mégalithique située au sud du parc archéologique actuel et particulièrement
bien conservée, tombes à puits et stèles néo-puniques. En outre, de la
céramique grecque que l'on peut dater du IVe siècle av. J.-C. y a été retrouvé.
Cité
numide :
Au IIIe siècle av.
J.-C., la ville est sous l'influence de Carthage car des inscriptions révèlent
la présence d'un culte offert au dieu Ba'al Hammon et l'inhumation des morts
dans des vases funéraires de type punique. Le musée local conserve d'ailleurs
des éléments d'un temple dédié à Tanit. Un trésor monétaire de frappes de
Carthage en électrum et argent daté des environs de 230 av. J.-C. a aussi été
découvert dans les fouilles de la « Maison de la chasse ».
Chapiteau ionique
subsistant du temple dédié à Tanit (musée du site).
Les fouilles font
apparaître une intégration de la cité à cette époque au commerce méditerranéen,
de par la diversité géographique des découvertes effectuées.
La cité fait ensuite
vraisemblablement partie du territoire investi par les troupes romaines en 203
av. J.-C., à l'issue de la Deuxième guerre punique.
Elle devient en 156 av.
J.-C. la capitale du royaume numide de Massinissa qui reste un royaume client
de Rome mais récupère les « terres de ses ancêtres » (selon une inscription).
La ville reçoit dès lors son épithète de « royal » (Regia). Les villes numides
royales sont alors des capitales secondaires ou des éléments du domaine royal,
au rôle à la fois économique et politique.
À cette époque, les
rues sont organisées selon un plan orthogonal de type hellénistique qui
remplace en partie l'ancien plan des ruelles et des insulae. La ville numide,
adaptée au relief, s'étend sur environ trente hectares ; elle est protégée par
une muraille de gros appareil dont il reste des vestiges.
C'est sans doute à
Bulla Regia que Pompée met à mort le fils de Massinissa, Hiarbas, en 81 av.
J.-C.
Cité
africaine qui se romanise :
Après la bataille de
Thapsus, les Romains reprennent le contrôle direct de la ville en 46 av. J.-C.,
à l'occasion de l'organisation de la province d'Afrique par Jules César qui
récompense la conduite (sans doute neutre) de Bulla Regia dans les guerres
civiles qui font rage à Rome. Il lui accorde alors le statut de ville libre. À
ce titre, la cité conserve son territoire et son organisation politique
traditionnelle. Des cités situées à proximité (Simitthus et Thuburnica) voient quant
à elles s'installer sur leur sol des colonies de vétérans.
Au sein de la province
d'Afrique proconsulaire, la ville voit son intégration à la romanité par le
biais de divers éléments que les chercheurs ont pu mettre en évidence : la
langue latine se répand peu à peu, l'onomastique voit les habitants adopter les
tria nomina typiques et les institutions politiques locales se calquent peu à
peu sur celles d'Italie.
La cité obtient le
statut de municipe assorti du droit latin sous les Flaviens — sans doute à
l'initiative de Vespasien — mais sans obtenir la citoyenneté romaine pour ses
habitants alors que c'était la règle jusque-là. Cette nouveauté contribue à
l'intégration des cités pérégrines à la romanisation. Le cens nécessaire pour
accéder aux magistratures locales se monte alors autour de 4 000 ou 5 000
sesterces Sous le règne de l'empereur Hadrien, elle devient une colonie
honoraire sous le nom de Colonia Aelia Hadriana Augusta Bulla Regia, donnant à
ses habitants la pleine citoyenneté romaine et se dotant d'institutions
politiques locales imitant celles de Rome. La ville exerce alors un rayonnement
certain sur sa région.
Symboles de
l'intégration à la romanité, deux familles de Bulla Regia, les Marcii et les
Aradii, après s'être enrichis dans le commerce du blé et de l'huile, intègrent
le Sénat au début du IIIe siècle. Cette intégration n'est pas le fait d'une
population restée sans doute d'effectif modeste — quelques milliers d'habitants
tout au plus — mais est liée à la fertilité du terroir18. Les édifications,
tant domestiques que collectives, nées de l'évergétisme de l'élite locale,
signent l'évidente prospérité des lieux.
Dans la période
d'émergence du christianisme, la cité se dote dès 256 d'un évêque, marque de la
richesse de ses habitants et de son terroir. Augustin d'Hippone considère la
cité comme totalement christianisée dès 399
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