Nous voulons présenter
de façon simple cette belle mosaïque chrétienne dite « Croix de Sbeïtla ».
Pourquoi s’appelle-t-elle « de Sbeïtla »? Parce qu’elle a été trouvée dans une
basilique chrétienne de campagne à Henchir Ali Ben Rzal, proche du site
archéologique de Sbeïtla au sud de la Tunisie. Sbeïtla est l’ancienne Sufetula,
voilà pourquoi cette croix est aussi connue sous le nom de « Croix de Sufetula
». Mais la nomination vienne plutôt par la proximité au site archéologique, qui
est d’ailleurs, très connu de touristes. En plus, elle n’est pas au musée du
Bardo, mais au musée de Sbeïtla dans le site archéologique lui-même.
Je n’ai pas encore
trouvé un document qui puisse confirmer mon opinion sur sa position dans la
Basilique : à mon avis elle peut faire partie du fond d’un baptistère ou de la
chapelle de baptême comme c’est le cas pour les mosaïques chrétiennes trouvées
à Sbeïtla ; ou bien elle était placée dans la nef centrale de la Basilique.
Cette mosaïque, par sa
forme, vivacité et par ses couleurs appartienne à l’époque byzantine. En effet
elle respecte le même style des mosaïques trouvées à Sbeïtla qui datent toutes
de l’époque byzantine. C’est-à-dire qu’elle doit être datée à peu prés au VIème
siècle.
Caractéristiques de
cette croix: Chrisme-croix monogrammatique pattée.
CROIX MONOGRAMMATIQUE :
c’est la terminologie la plus fréquente, et donc à retenir. Mais on dit
également: croix monogrammée, croix constantinienne et monogramme cruciforme.
Ce dernier terme laisse entendre que d’aucuns pourraient considérer ce type
comme un monogramme et non une croix; mais Jean Baptiste de Rossi, archéologue
de Rome, a bien fourni la preuve qu’il était considéré en son temps comme une
figuration de la croix.
Donc la croix
monogrammatique est une combinaison graphique où la croix, latine surtout,
grecque parfois et éventuellement en tau, occupe une place prépondérante, avec
le chrisme qui se réduit à la seule boucle de la lettre P, ou à celle du R qui
correspond au chrisme latinisé accompagné des lettres α et ω. Ces lettres, qui encadrent l’alphabet
grec, symbolisent la totalité : le commencement et la fin. Par ailleurs, le
verbe grec ainsi formé, ἄρχω, signifie « diriger, aller en tête,
commencer » et renvoie à la double caractérisation de Jésus-Christ : fondateur
et premier chef de l’Église chrétienne naissante. La boucle de la lettre P, peut être figurée à
droite comme à gauche de la branche supérieure de la croix, voire même à la
fois à droite et à gauche sur des types tardifs dans une intention, bien sûr,
purement décorative.
CROIX PATTEE : est un
type de croix dont les bras sont étroits au niveau du centre et larges à la
périphérie, le nom venant du fait que les bras de la croix font penser à des
pattes.
Finalement, je
transcris la vision de l’empereur Constantin qui donne origine à la croix ou
chrisme monogrammatique :
« Comme il était
persuadé qu’il avait besoin d’une puissance plus considérable et plus
invincible que celle des armées, pour dissiper les illusions de la magie dans
lesquelles Maxence mettait sa principale confiance, il eut recours à la protection
de Dieu. Après avoir longtemps médité toutes ces raisons, il jugea que c’était
la dernière de toutes les extravagances d’adorer des Idoles, de la faiblesse et
du néant desquelles il avait des preuves si convaincantes, et il se résolut
d’adorer le Dieu de Constance son père.
Constantin implora la
protection de ce Dieu, le pria de se faire connaître à lui, et de l’assister
dans l’état où se trouvaient ses affaires. Pendant qu’il faisait cette prière,
il eut une merveilleuse vision, et qui paraîtrait peut-être incroyable, si elle
était rapportée par un autre. Mais personne ne doit faire difficulté de la
croire, puisque ce Prince me l’a racontée lui-même longtemps depuis, lorsque
j’ai eu l’honneur d’entrer dans ses bonnes grâces, et que l’événement en a confirmé
la vérité. Il assurait qu’il avait vu en plein midi une croix lumineuse avec
cette inscription. « IN HOC SIGNO VINCES » : VAINQUEZ A LA FAVEUR DE CE SIGNE,
et qu’il fut extrêmement étonné de ce spectacle, de même que ses soldats qui le
suivaient.
Cette vision fit une si
sorte impression dans l’esprit de Constantin qu’il en était encore tout occupé
la nuit suivante. Durant son sommeil le Sauveur lui apparut avec le même signe
qu’il lui avait montré en l’air durant le jour, et lui commanda de faire un
Etendard de la même forme, et de le porter dans les combats pour se garantir du
danger. Constantin s’étant levé dès la pointe du jour raconta à ses amis le
songe qu’il avait eu, et ayant envoyé quérir des Orfèvres, et des Lapidaires,
il s’assit au milieu d’eux, leur proposa le dessein et la figure du signe qu’il
avait vu, et leur commanda d’en faire un semblable, enrichi d’or, et de
pierreries ». (Saint Eusèbe de Césarée, « La vie de l’empereur Constantin »,
L.1, cp. XXVII à XXX).
Lactance, tunisien
d’origine, affirme aussi que Constantin décrit le symbole comme étant en forme
de lettre X traversée par la lettre I recourbée à sa partie supérieure. Toujours
selon Lactance, c’est ce signe que Dieu aurait ordonné à Constantin de mettre
sur les boucliers de ses soldats. Ce témoignage est confirmé par l’archéologie
et les textes postérieurs qui nous donnent les différentes interprétations de
ce signe de Dieu, sous le nom de Labarum.