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Site gallo-romain de Barzan

La commune de Barzan, en Charente-Maritime, abrite un site archéologique gallo-romain majeur, faisant l'objet de fouilles programmées depuis 1994. Les photographies aériennes et les fouilles archéologiques ont révélé la présence d'une ville portuaire gallo-romaine de grande importance (temple gallo-romain monumental, thermes, forum, théâtre...) située entre les communes de Barzan, Talmont-sur-Gironde et Arces-sur-Gironde.
Il semble presque certain que cette ville gallo-romaine, dont l'apogée se situe au iie siècle, soit la Novioregum indiquée dans l'itinéraire d'Antonin. Cette ville pourrait également être le Portus Santonum (port des Santones) décrit par Ptolémée.
Les environs sont occupés très tôt, au moins dès l'époque néolithique, ce dont atteste la découverte de nombreux vestiges en divers points de la commune de Barzan, notamment à proximité de la colline de La Garde, un plateau surplombant l'estuaire de la Gironde. Dès 1877, Eutrope Jouan, un historien local, rapporte l'exhumation de fragments de haches polies ainsi que de pointes de flèches. Cette découverte est complétée presque un siècle plus tard, en 1970, lors du nivellement du terrain consécutif au démantèlement d'un réservoir américain construit en 1917. Ces travaux permirent la mise au jour de restes de céramiques attribuées aux groupes des Matignons et des Peu-richardiens. Des couches de cendres et des pierres de foyers retrouvées à proximité, ainsi que la présence d'une nécropole à quelques mètres du site, permirent dès lors de prouver la présence d'un habitat à cet endroit, environ 3 500 ans avant notre ère.
En 1975, une campagne de prospection aérienne menée par Jacques Dassié confirme ce fait, et montre en outre la présence de fortifications autour de ce camp, celles-ci étant principalement composées de fossés et d'entrées en chicane, un ingénieux dispositif exposant dangereusement les éventuels assaillants. Deux autres sites préhistoriques plus récents, datés de l'âge du bronze, ont été découverts à proximité : l'un près du lieu-dit « le moulin du Fâ », l'autre sur le flanc nord-est de la colline de La Garde, à proximité du lieu-dit « Les Piloquets ». Ce dernier site fut découvert par hasard en 1980, lors de la plantation d'une vigne : il révéla notamment plusieurs haches en bronze datées d'environ 1800 avant notre ère, actuellement exposées au musée de Royan.
Aux alentours du VIIe siècle avant notre ère, la Saintonge est habitée par le peuple gaulois des Santones. Ceux-ci firent de Pons, puis de Saintes, leur capitale. Ce peuple celte s'installa à son tour sur le site du Fâ, y bâtissant notamment un sanctuaire monumental, lequel se situe sur une hauteur dominant l'estuaire de la Gironde. Ce sont eux qui fondèrent la ville, embryon de la métropole romaine qui s'étend à cet endroit quelques siècles plus tard. Des prospections aériennes récentes ont par ailleurs révélé les traces de deux autres temples celtiques, localisés sur la colline de La Garde.
Une campagne de fouilles entreprises sous la direction de Karine Robin de 1996 à 2002 a également permis de mettre au jour des céramiques gauloises et hispaniques datant du ve siècle avant notre ère, ce qui permet d'envisager la présence d'un port de commerce dès cette époque. De même, des pièces de monnaie gauloise ont été découvertes en 1997. Les plus anciennes auraient été frappées à la fin du iie siècle avant notre ère.
Le fait que la Saintonge se soit située sur l'une des routes de l’étain, commerce particulièrement actif entre les îles Britanniques (principalement la Cornouaille) et la Méditerranée à cette époque, permet d'envisager le transit de cette matière première indispensable à la fabrication du bronze par le port de l'antique cité, expliquant la relative prospérité de la ville avant même l'établissement de la domination romaine.
La province des Santones est conquise par les Romains en 58 avant l'ère chrétienne. C'est le début de l'âge d'or pour sa capitale, Mediolanum Santonum (Saintes) qui devient la première capitale de la province romaine d'Aquitaine. La ville de Novioregum, seconde agglomération de la civitas santonum (subdivision administrative de l'empire romain) semble alors avoir été avant tout un emporium, c'est-à-dire un comptoir commercial, ce qui s'explique aisément par sa situation géographique, non loin de l'embouchure de la Gironde. Les premières constructions importantes furent probablement édifiées sous le règne des empereurs Flaviens (de 69 à 96), comme l'attestent des restes de statues ainsi que plusieurs chapiteaux corinthiens datant de cette époque. La ville semble avoir connu son âge d'or vers le IIe siècle de notre ère, sous le règne des Antonins. La ville se pare de monuments importants : théâtre, avenues, port et entrepôts (horrea). Les thermes sont agrandis à cette époque.
La ville, prospère, est signalée par l’Itinéraire d'Antonin, publié au IIIe siècle de notre ère, sous le règne de l'empereur romain Dioclétien. Il situe Novioregum sur l'axe routier menant de Saintes à Bordeaux via Blaye, à 15 lieues de Saintes (environ 35 kilomètres) et 12 lieues de Tamnum, une cité qui selon Jacques Dassié, aurait été située près de Consac (environ 29 kilomètres). Celui-ci fonde son hypothèse sur l'utilisation possible d'une grande lieue gauloise de 2450 mètres en lieu et place du mille romain.
La ville conserve quelque importance jusqu'à la fin du IIIe siècle, avant de décliner et d'être abandonnée pour des raisons encore inconnues à ce jour. La théorie de l'envasement du port — sans doute poumon économique de la ville — est envisagée, sans que de véritables preuves ne soient établies à l'heure actuelle. Ce phénomène, fréquent dans la région, causa la perte au XVIIe siècle d'un autre grand port de la région : Brouage.
D'aucuns voient dans les troubles liés aux grandes invasions (Francs et Alamans, puis Wisigoths plus tardivement) une cause possible de cet abandon : cependant aucune trace de violence n'a été relevée sur le site à l’heure actuelle. Dans l’état actuel des connaissances, tout semble indiquer un déclin progressif de la cité et un abandon total ou partiel du site dans le courant du IVe siècle.

À l'aube du Moyen Âge, l'antique cité romaine devient une carrière de pierres. Des éléments décoratifs sont réemployés dans des maisons ou des églises de la région, et des fûts de colonnes romaines servent longtemps de margelles pour les puits des villages environnants (l'une d'elles, datée du IIIe siècle, sert de fonts baptismaux dans l'église d'Épargnes, un village voisin) Au XVIe siècle, un moulin à vent est édifié sur le podium de l'ancien temple : le moulin du Fâ (déformation probable du terme fanum).
De fait, si la présence de ruines antiques à Barzan est connue depuis plusieurs siècles , leur importance est longtemps sous-estimée. Le premier à l'entrevoir fut l'abbé Auguste Lacurie, secrétaire de la Société archéologique de Saintes à la fin du XIXe siècle. En 1844, il émet l'hypothèse que les ruines visibles à Barzan pourraient bien être celles de la ville antique de Novioregum, dont on cherchait la trace depuis des siècles. Cependant, plusieurs personnalités importantes dans le domaine de l'archéologie, tel Léon Massiou, un historien originaire de Saujon faisant autorité à cette époque, contestent cette hypothèse, notamment dans un ouvrage paru en 1924.
Celui-ci mène personnellement une campagne de fouilles archéologiques auprès du site dit du moulin du Fâ entre 1921 et 1924. Outre le temple et le théâtre, connus depuis les descriptions de Claude Masse, cette campagne permet d'exhumer les vestiges d'un aqueduc, puis de thermes, confirmant la présence d'une cité de quelque importance à cet emplacement.

L'importance de ces découvertes aboutit au classement du site par les monuments historiques en 1937 et 1939.
De 1935 à 1957, Louis Basalo, un architecte et archéologue royannais, effectue également des fouilles, explorant l'aqueduc, fouillant les thermes romains. Durant cette campagne, une stèle votive est découverte à environ vingt mètres du sanctuaire principal. L'inscription qui y figurait  est sans doute une dédicace au dieu Mars. Malgré d'importantes découvertes, c'est seulement en 1975, à la faveur d'une importante sécheresse, que Jacques Dassié réalisa des photographies aériennes éclairant d’un jour nouveau le site archéologique, dévoilant un site bien plus important que ce qui était soupçonné jusqu'alors. Sous les cultures et la végétation, ce n'est rien de moins qu'une ville de 140 hectares — comparable aux grandes métropoles romaines de Saintes , Poitiers  ou Bordeaux , comportant temples, thermes, théâtre, entrepôts, forum, habitations, avenues qui est dévoilé.
Le site, d'abord occupé par des propriétés privées, fut racheté par la municipalité de Barzan en 1993, année de la création de l'association ASSA Barzan, chargée de l'exploitation du site. Des fouilles structurées débutèrent en 1994, supervisées par l'Université Bordeaux III et par l’Université de La Rochelle.
Vestiges des thermes : four servant à alimenter le caldarium ou salle chaude.
En 1994, le ministère de la Culture confie à Pierre Aupert, directeur de recherches au CNRS, les fouilles sur le sanctuaire du Fâ. Celles-ci révèlent notamment la construction de deux temples successifs, l'existence d'une vaste fosse (peut-être sacrificielle) et les repères de la construction du podium.
En 1999, des sondages positifs ont été effectués par Laurence Tranoy au lieu-dit le Trésor, à l'emplacement de ce que l'on suppose avoir été le forum, au croisement du cardo maximus et du decumanus.
De 1998 à 2004, les fouilles des thermes romains, au nord du Fâ, sont conduites par Alain Bouet, maître de conférences HDR à l’Université de Bordeaux et spécialiste de l'époque gallo-romaine. Celles-ci révèlent bientôt l'existence d'un des plus grands ensembles connus en Gaule à ce jour. De 2003 à 2005, Alain Bouet participa également aux fouilles des entrepôts de stockage (les horrea) un peu au sud du sanctuaire du Fâ, révélant des magasins de grandes dimensions et l'importance du port antique.
Une campagne de fouilles menées entre 2006 et 2008 sur le sanctuaire du Fâ ont également révélé les murs du péribole montrant les deux enceintes successives, dont la seconde, monumentale, mesurait environ 106 m × 92 m.

Reprises en 2007 par Antoine Nadeau, les fouilles du théâtre, sur le site de La Garde, reprendront en 2009. Très dégradées, les ruines ont servi de carrière de pierre pendant plusieurs siècles.
Description du site:
Le temple monumental du Fâ:
Au centre d'un péribole rectangulaire de 106 m × 92 m, le temple gallo-romain du iie siècle comportait une colonnade circulaire (hauteur totale estimée 16 m), une cella ronde au centre (diamètre 20,80 m, hauteur estimée 33 m) et un porche d'entrée profond de 7,7 m, muni de colonnes en façade17. Selon l'ASSA Barzan, ce temple gallo-romain monumental ressemblait probablement à ceux de Vésone à Périgueux et du vicus des Tours Mirandes, à Vendeuvre-du-Poitou.

Les temples de La Garde:
À l'extrémité Est du decumanus, sur la colline de la Garde, se trouvent les vestiges de plusieurs temples découverts au cours de la sécheresse de 1975-1976. À l'origine, il s'agissait d'un fanum avec cella quadrangulaire entourée d'un péribole, d'un temple de tradition celtique à cella hexagonale et d'un temple romain classique avec podium en maçonnerie rectangulaire sans péribole.
Les thermes:
La fouille des thermes est considérée comme achevée dans sa partie nord. Les fouilles ont permis de démontrer que l'alimentation en eau des thermes se faisait par un grand puits rectangulaire (3 m × 4,4 m d'une profondeur de 16 m) muni d'un système d'élévation, dont la machinerie en bois, effondrée dans le puits, est en cours d'étude.

Le théâtre de La Garde:
À l'est du site du Fâ, sans doute à l'extrême limite de la ville antique, le théâtre romain occupe un flanc de la colline de La Garde. Le rayon de l'hémicycle est d'au moins 50 m et un sondage ancien a montré que sa cavea était structurée par des murs rayonnants, comportant des gradins en pierre. La longueur interne restituée du bâtiment de scène est de 71,40 m. Selon l'ASSA Barzan, il s'agit d'un édifice important, peut-être plus grand que les théâtres d'Arles et de Vaison-la-Romaine et comparable aux plus vastes édifices de ce type connus en Gaule : Vienne, Orange et Autun.
Les Horrea (entrepôts):
À l'est du Fâ, l'archéologie aérienne a identifié de vastes entrepôts publics caractéristiques des villes portuaires (comme à Vienne, Lyon, Rouen, Bordeaux, Cologne, Hyères ou Corseul). Les fouilles ont permis de dégager plusieurs cellules.
L'aqueduc de la source de Chauvignac:

L'aqueduc se situe à 3 km à l'est du site, sur la commune de Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet. Exploré sur une centaine de mètres en 1939, son altitude est néanmoins plus basse que les thermes et que le temple, posant la question de l'alimentation en eau de la ville.
Le decumanus:
Le decumanus apparaît sur toutes les images aériennes et parfois même au sol, constituant un monument en lui-même (large d'une dizaine de mètres) ; sa longueur visible est d'environ 400 mètres et il est l'élément structurant principal du réseau urbain, avec une vocation manifeste de prestige. Au Ier siècle, une voie est aménagée jusqu'à l'entrée du sanctuaire gallo-romain. Au IIe siècle, le site s'agrandit et s'embellit : le temple circulaire est reconstruit et agrandi, ainsi que les thermes et les horrea.
Des fouilles actuelles, conduites sous la direction de Laurence Tranoy (Université de La Rochelle) et d'Emmanuel Moizan (INRAP), ont pour objectif de comprendre le plan de circulation de la ville antique, et notamment la nature et le rôle de cette rue très large et très longue surnommée la "Grande avenue". Dans un reportage consacré à l'une de ces campagnes de fouille (2008), Laurence Tranoy explique que cette "Grande avenue" est un artéfact dû aux modifications de l'urbanisme selon les époques et à l'amplification de la vocation cultuelle de la ville.
Le Forum:
Les vestiges du forum ont été identifiés à proximité du lieu-dit « Le Trésor » entre le port antique et le sanctuaire du Fâ, le long de l'ancien cardo maximus. Selon l'ASSA Barzan, le forum de la ville était scindé en deux parties : au nord, une grande place dépourvue de constructions, et au sud, une seconde place entourée de portiques et d'une construction massive.
Le Port:

Le site du port antique, situé non loin du lieu-dit la Combe du Rit n'a pas encore été fouillé en 2008. Identifié par les photos aériennes et par les inondations de 1999, il était situé au sud de la ville gallo-romaine, à proximité du forum. Il constituait un point de débarquement pour les bateaux de haute mer. Les vastes entrepôts et les céramiques grecques (du Ve siècle av. J.-C.) et hispaniques, retrouvées sur le site peuvent laisser penser que le port était un lieu de négoce sur l'un des routes de l'étain reliant les Îles Britanniques à la Méditerranée.



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