Sicca, aujourd’hui El-Kef, se trouve dans le Nord-Ouest tunisien, à environ 170 km à l’ouest de Tunis, sur la voie unissant Carthage à la Numidie septentrionale. Sa situation sur un rocher commandant une trouée lui conférait une importance militaire et stratégique indéniable. Aux dires de Solin, son vrai et premier nom aurait été Veneria et sa fondation attribuée aux Siciliens qui y auraient introduit le culte de Vénus Éricyne, du mont Éryx. Ce fut sous ses murs qu’en 241 avant J.-C., les mercenaires, à la demande des autorités de Carthage, se retirèrent dans l’espoir de recevoir leur solde. Après la chute de Carthage, elle fut rattachée au royaume numide puis, un siècle plus tard, comprise dans la province d’Africa nova. Érigée en colonie romaine par Octavien/Auguste, elle reçut peut-être en renfort des citoyens de Cirta/ Constantine, peut-être même des Sittiani, ce qui explique leur homonymie. En effet, la ville est tantôt appelée Sicca Veneria, tantôt, mais dans un ordre qui n’est pas toujours respecté, Cirta Nova Sicca Veneria. Cela implique nécessairement des rapports étroits entre les deux villes. Certains pensent que Sicca était une dépendance de Cirta ; d’autres estiment plus raisonnablement que la ville a pu remplacer Cirta dans son rôle de capitale de la Numidie et aurait dès lors pris ce nom Cirta nouvelle, signe de son nouveau rôle de capitale. Enfin, il est fort probable qu’elle s’appela ainsi parce que sa pertica fut organisée sur le même modèle que celui de Cirta/ Constantine.
Patrie du célèbre rhéteur Arnobe qui y enseigna la rhétorique sous le règne
de Dioclétien (284-305), terre où on cultivait des plantes qui passaient pour
aphrodisiaques (Columelle, Rust. 10.107), Sicca est surtout célèbre par son
mythique temple de Vénus où se pratiquait la prostitution sacrée (Val.-Max.
2.6.15), ce qui déplut à certains, des brigands, dit-on (latrones, CIL 15881,
ILPB 366), qui détruisirent la statue de la déesse vers la fin du IIIe siècle.
Les explorateurs du XIXe siècle y ont signalé un aqueduc, un amphithéâtre de
petites dimensions, un théâtre, des thermes, deux basiliques, dont celle qu’on
appelle Dar El-Kouss, ainsi qu’un monument romain transformé en mosquée.
L'un des documents les plus connus de la ville est la célèbre fondation
alimentaire :
« (…) À mes très chers concitoyens de Cirta Sicca, je veux donner 1 300 000
sesterces, je m’en remets à votre bonne foi, très chers concitoyens, pour
qu’avec les intérêts aux 5/12e, chaque année on nourrisse 300 garçons et 200
filles ; que les garçons, de 3 à 15 ans, reçoivent chacun 2,5 deniers par mois
; les filles de 3 à 13 ans, chacune 2 deniers par mois. On devra choisir des
citoyens ainsi que des résidents, pourvu que les résidents habitent dans
l’agglomération de notre colonie. Si vous l’acceptez, il sera bon qu’ils soient
choisis par les maires de chaque année, et il faudra aussi se préoccuper de
remplacer immédiatement les adultes ou les défunts, pour qu’on ne nourrisse
toujours un groupe complet (trad. du latin) ».
Elle révèle qu’un notable a légué par testament un capital de 1 300 000
sesterces pour nourrir, grâce aux intérêts annuels qu’il rapporterait, 500
enfants pauvres, citoyens et résidents, choisis exclusivement dans la
population urbaine. Le capital fut confié entre 175 et 180 au premier magistrat
de la ville qui avait pour mission de désigner chaque année 300 garçons et 200
filles, les premiers âgés de 3 à 15 ans, les secondes de 3 à 13 ans. L’âge de 3
ans signifie que les bénéficiaires ont dépassé le stade de l’allaitement et de
la mortalité infantile. Les revenus annuels de ce capital s’élevaient à 65 000
sesterces alors que les dépenses attendues étaient de 55 200 sesterces. Le
reliquat de 9 800 sesterces, pouvant nourrir encore 100 filles, donne à penser
que ce nombre rond, s’il n’est pas exact, est arrondi à la hausse.